Fin des cookies tiers sur Google Chrome : quels impacts et quelles solutions pour mesurer le ROI des investissements publicitaires digitaux ?

Le monde du web analytics est confronté à une situation paradoxale : les besoins de data n’ont jamais été aussi importants mais leur collecte n’a jamais été aussi complexe depuis le développement des Adblocks, l’instauration du RGPD et les restrictions navigateurs sur Safari et Firefox. Dernier événement en date, la fin des cookies tiers annoncée sur Google Chrome dont l’impact potentiel inquiète, notamment sur la mesure de la performance digitale.

Depuis la fin des années 2010 et la croissance ininterrompue des investissements publicitaires sur les canaux digitaux, les outils alloués au tracking et à la mesure se sont multipliés et diversifiés. L’apparition des Tag Management System a simplifié la collecte de données, la popularisation des outils analytiques a rendu exploitable les flots de data accumulées dans les bases de données. 

Dans le même temps, les professionnels du secteur ont atteint un niveau de maturité inédit, en témoignent l’apparition de nombreux métiers spécialisés dans la data ou la prolifération des conférences, des salons, etc. 

En parallèle, l’univers de la publicité digitale a subi de grands bouleversements, tant sur le plan technique (propagation de la navigation privée, avènement du shopping mobile) que sur le plan législatif (entrée en vigueur de la RPGD, entre autres), qui ont restreint ou complexifié l’utilisation de la donnée.

Aujourd’hui, on estime que  la quantité d’informations disponibles s’est amenuisée, et la qualité de ces dernières s’est détériorée. Jusqu’à poser la question de leur crédibilité. Dans ces conditions, comment est-il possible, pour un responsable du marketing ou de l’acquisition, de mesurer le ROI des investissements digitaux ?

 

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La fin des cookies tiers sur Google Chrome

Un cookie est un petit fichier texte généré à chaque visite d’un utilisateur sur un site web et contenant des informations anonymes permettant de l’identifier.


On distingue deux types de cookies qui répondent à des cas d’usages différents :

  Cookies propriétaires ou first-party Cookies tiers ou third-party
Définition Ils sont directement créés par le site web que vous visitez Ils sont gérés par une organisation tierce à qui le site web a donné l'autorisation de mettre en œuvre ce service
Objectif Améliorer et personnaliser l'expérience de navigation. Récolter des informations sur les profils et comportements de navigation.
Cas d'usages
  • Mémorisation d'un panier d’achat.
  • Conservation de la langue de consultation d'un site.
  • Reconnaissance d'un utilisateur logué.
  • etc
  • Ciblage publicitaire personnalisé.
  • Retargeting publicitaire.
  • Mesure d'audience.
  • etc
Privacy Cookies exemptés du recueil de consentement. Cookies soumis à l'obtention du consentement sauf pour certaines solutions de mesure d'audience et certains indicateurs.
Restrictions navigateurs Aucunes
  • Limitation des cookies tiers à 7 jours ou 24 heures (si l’URL contient des paramètres de requête) sur Safari et Firefox
  • Suppression totale des cookies tiers sur Chrome (en 2025 ?)

Pourquoi parle t’on de la fin des cookies tiers ?

La suppression des cookies tiers sur Google Chrome s’inscrit dans la continuité d’un mouvement de protection des données personnelles amorcé depuis quelques années. 

Face aux abus symbolisés par le scandale Cambridge Analytica, certains Etats ont souhaité apporter un cadre législatif afin de mieux protéger la vie privée de leurs citoyens. 

L’ Union européenne fait ainsi figure de précurseur

  • En 2018, le RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) entre en vigueur. Il a pour objectif de renforcer les droits des citoyens européens en leur donnant plus de contrôle sur leurs données personnelles ;
  • En 2020, en France, la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés) publie des directives sur les cookies et traceurs afin de préciser les modalités pratiques de recueil du consentement

Considéré comme le standard mondial en matière de privacy, le RGPD a inspiré de nombreux textes dans le monde comme CCPA en Californie, le UK GDPR aux Royaume-Uni ou le PIPEDA canadien.

Au-delà de la loi, certains acteurs technologiques ont décidé d’opter pour des pratiques plus transparentes et respectueuses : 

  • Apple, via son navigateur Safari, a été un des pionniers dans la limitation des cookies tiers avec sa fonctionnalité Intelligent Tracking Prevention (ITP) lancée en 2017. ITP a depuis évolué pour devenir plus strict puisque Safari bloque désormais par défaut les cookies tiers ; 
  • Mozilla Firefox a adopté la même radicalité vis-à-vis des cookies tiers depuis 2019. 

Les AdBlockers amplifient cette problématique de collecte. Ils empêchent depuis toujours l’affichage des publicités lors de la navigation sur Internet et disposent désormais de fonctions étendues.
Ils ont ainsi récemment ajouté dans leur blacklist les scripts de Google Tag Manager de type client (à opposer aux scripts de type serveur). Désormais, ce sont potentiellement tous les tags présents dans un GTM client — non assisté par un tracking server-side — qui peuvent se retrouver bloqués.
On estime que près des 40% des internautes français utilisent des AdBlockers.  

Ces préoccupations croissantes en matière de vie privée ont donc poussé Google à annoncer dès 2020 la fin des cookies tiers sur son navigateur Chrome.

Quand et comment Google va-t'il supprimer les cookies tiers sur Chrome ?

Si Apple et Safari peuvent se permettre de bloquer les cookies tiers sans impact notable sur leurs revenus, la position dominante de Google dans la publicité et dans la navigation web pose un certain nombre de défis.

Avec 65% de parts de marché dans le monde, Google Chrome est le navigateur le plus utilisé au monde. Le cookie tiers étant la cheville ouvrière de la personnalisation publicitaire, sa suppression progressive n’est donc pas sans conséquence pour les revenus des différents acteurs de l’écosystème publicitaire (régies, éditeurs ou annonceurs).

Google est ainsi à l’initiative du projet Privacy Sandbox qui vise à créer des technologies permettant de préserver les besoins de ciblage sans avoir recours à des cookies.    

Mais pour l’instant, la Privacy Sandbox ne semble pas être une alternative crédible :

  • Google a en effet repoussé 2 fois la fin des cookies tiers en 2022 et en 2023.
  • La firme de Mountain View a annoncé un nouveau report à 2025 alors que la suppression totale devait intervenir pour le second semestre 2024. Depuis janvier, l’entreprise avait commencé à restreindre les cookies pour 1% des utilisateurs de Chrome dans le cadre d’un test limité. 

Cette décision est motivée par les réserves émises par la Competition and Markets Authority (CMA), régulateur britannique qui supervise la fin des cookies tiers. Le CMA estime en effet que la fin des cookies tiers donnerait à Google un avantage déloyal par rapport aux régies publicitaires concurrentes.

Quels impacts de la fin des cookies tiers sur la mesure de la performance ?

La combinaison des phénomènes eprivacy, des AdBlocks et des restrictions navigateurs altère grandement la quantité des données collectées. On estime qu’en l’état, seuls 35% des données potentielles sont réellement collectées. 

Raisons de la détérioration de la qualité des data

La suppression des cookies tiers sur Google Chrome portera une estocade définitive sur la collecte des données basée sur les cookiers tiers puisque la proporition de données recueillies pourrait tomber à 10%

Comment mesurer le ROI de ses dépenses publicitaires ?

En dépit des difficultés, il est toujours possible d’évaluer le retour sur investissement des efforts marketing en ligne. 

Dans cette section, nous vous proposons de prendre connaissance des solutions qui vous permettront de retrouver les données perdues au fil des années, au gré des évolutions technologiques et réglementaires.

1/ Piloter et optimiser son taux d’opt-in

Plus le taux d’opt-in est élevé, plus le volume de données collectées est important. 

Au-delà du clic sur le bouton “Accepter”, le non-choix de l’internaute est aussi une problématique à prendre en compte : selon le RGPD, une absence de choix équivaut à un refus. Lorsque la Consent Management Platform est configurée correctement, aucune donnée n’est collectée en ce cas. 

“L’art et la bannière” : le design doit obliger le choix

Il faut alors s’assurer que la première action effectuée par l’internaute sur votre site est une interaction avec votre bannière de consentement. Pour cela, il est nécessaire de mettre en place un “overlay”, qui bloque toute navigation le temps que la CMP n’a pas enregistré l’avis.

 

Tester encore et toujours

Adaptation du design de la bannière de consentement aux appareils, recalibrage de la rédaction sur mobile, couleurs des boutons… : n’hésitez pas à tester les différentes configurations, puis à mesurer l’impact sur le taux d’opt-in. Vous pouvez d’ailleurs suivre cet indicateur directement dans votre CMP — qui dispose de plus ou moins de détails, selon la solution choisie. Nos experts peuvent d’ailleurs vous accompagner dans cette démarche.

2/ Contourner les restrictions de collecte, avec le tracking server-side

Le tracking server-side sous-entend une collecte et un transit des données générées par un utilisateur, en dehors de son navigateur. Les informations voyagent directement depuis le serveur qui délivre les pages du site, vers le serveur des outils concernés (outil Analytics, solutions de gestion publicitaire par exemple…). 

Les bénéfices constatés sont plus qu’intéressants :

  • Moins de perte de données (entre +10% et +30% de données collectées en moyenne) 
  • Une conservation plus longue des données de l’utilisateur, grâce aux fonctions inhérentes au server-side : les données sont conservées sur un cookie first-party, ce qui permet d’identifier un même utilisateur sur une plus grande période. C’est ce principe qui permet de contrevenir aux limitations imposées par les navigateurs (ITP, suppression des cookies tiers, etc.)

Du côté des Ads, les plateformes qui proposent un suivi côté serveur (Meta CAPI, LinkedIn CAPI, Snapchat CAPI, TikTok CAPI etc…) sont désormais nombreuses. 

On constate des effets positifs sur la diffusion des campagnes, sur la capacité à mesurer les performances. Et donc in fine les coûts d’acquisition. Voici pourquoi :  

  • En capturant davantage de données, les algorithmes publicitaires sont alimentés par davantage d’informations sur l’utilisateur. 
  • Le ciblage s’en retrouve alors plus solide.
  • Les audiences comportementales /  remarketing deviennent plus riches.
  • Les rapports de performance sont plus fiables et complets. 

Si vous souhaitez en savoir plus sur le tracking server-side, un excellent article vous explique en détail le fonctionnement de ce suivi.

3/ Miser sur ses données first-party

Une donnée first-party est une information collectée directement par une entreprise via différents canaux (un site, une application). On parle aussi de data propriétaires, puisqu’elles sont recueillies sans intermédiaire. Ces informations peuvent inclure des données loguées (email, numéro de téléphone), des données CRM (scoring client, historique d’achats), des données business (flux produit) ou encore des données comportementales (parcours de navigation). Elle s’oppose à la donnée “third-party”, qui souvent est anonyme, parce que collectée par des outils tiers — comprendre, extérieurs à la marque ou au site web concerné (pas d’accès au serveur propriétaire). 

La donnée first-party essentielle demeure l’adresse email — idéalement agrémentée du nom, prénom et numéro de téléphone. C’est un identifiant unique, qui constitue une clé de réconciliation incontournable avec les bases de données des principales plateformes publicitaires telles que META, Instagram, TikTok, Snapchat, etc. Ces dernières, qui acquièrent cette précieuse information lors de l’inscription de leurs utilisateurs, disposent alors des capacités de ciblage les plus étendues du marché publicitaire digital.  

Au-delà des capacités d’identification et de recoupage des données, l’intérêt de collecter cette donnée first-party est de pouvoir enrichir le tracking publicitaire, pour mieux qualifier vos audiences. En transmettant les informations first-party aux plateformes, via les balises de marquage et le suivi avancé des conversions par exemple, vous permettez aux outils qui utilisent ces informations (anonymisées par hash) de cibler plus précisément, d’étendre le “targeting” à des profils semblables (look-alike) plus pertinents. Surtout, elles peuvent identifier précisément les personnes qui se sont rendues sur votre site et ont éventuellement effectué une conversion. 

Couplée à une solution de server-side — qui collecte par défaut la donnée en first-party, et permet de collecter davantage de données grâce au contournement des ad-blockers — l’enrichissement des données de tracking publicitaire apporte un gain substantiel sur le volume de conversions enregistrées. C’est ainsi que les coûts d’acquisition baissent, et que le ROI s’en retrouve amélioré

Dans cette optique, une collecte de données first-party plus poussée devient essentielle. N’hésitez pas à multiplier les points de contact sur votre site, en prenant garde de ne pas demander trop d’informations personnelles à la fois. Au risque de produire l’effet inverse. 

À ce titre, vous pouvez très bien planifier des scénarios où, dans un premier temps, vous solliciterez simplement l’adresse email en échange d’un incentive. Vous pourrez par exemple compléter l’enrichissement du profil utilisateur plus tard, avec la demande d’un code postal, lors d’un formulaire d’inscription.

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4° Se baser sur des solutions qui reconstituent la donnée perdue

Optez pour la modélisation des données non-trackées 

De nombreux outils offrent la possibilité de modéliser les données qui n’ont pas pu être enregistrées, du fait de l’absence de consentement des utilisateurs (opt-out). 

C’est notamment le cas de Google, qui permet de “récupérer” au sein de Google Analytics et Google Ads — via le Consent Mode (CoMo) — les conversions qui se sont produites hors consentement.

Il est important de noter qu’en cas de remarketing, l’envoi du “consentement utilisateur” aux outils Google via le Consent Mode (qui était facultatif avant le mois de mars 2024) est devenu obligatoire, depuis l’entrée en vigueur du Digital Markets Act et la mise en place du CoMo v2. 

Le Consent Mode de Google s’appuie sur les données non-consenties, à partir de “pings” anonymisés : grâce à cette forme de tracking, Google reçoit au sein de ses serveurs l’information qu’une conversion s’est produite même en l’absence de consentement exprimé dans la bannière. Du fait du RGPD, cette data demeure cependant anonyme. Ce qui empêche l’outil de reconnaître la source, ou l’auteur. 

C’est dans un second temps, via un système de probabilisation et de modélisation, que Google Ads ou Google Analytics va estimer la probabilité que la conversion ait été effectuée par un canal en particulier, ou un autre. Et in fine, attribuer la vente. 

Si ce système de comptabilisation peut sembler compliqué, sa mise en place est en revanche beaucoup plus simple. Nous pouvons, quoi qu’il en soit, vous accompagner sur cette étape. 

Sinon, il existe des systèmes de calcul plus simples :

  • Si vous n’êtes pas emballé(e) par la donnée modélisée, vous pouvez tout de même tenter d’estimer les data qui n’ont pas été enregistrées, en raison de limitations juridiques ou techniques.
  • Vous pouvez commencer par des méthodes de calcul simples. En guise d’exercice, estimez la perte de données grâce à l’étude de l’écart qui existe entre les clics — qui proviennent des outils d’advertising — et les sessions (qui sont eux issus des statistiques site-centric). Imaginez que vous ayez enregistré 100 clics pour 70 sessions. La perte d’utilisateurs est alors estimée à 30%.
  • Si votre taux de conversion pour les utilisateurs trackés est de 5%, vous pouvez alors en déduire, toute chose égale par ailleurs, que 5% des 30 utilisateurs non trackés ont en réalité eux aussi converti. Si vous êtes plus pointilleux, vous pouvez même partir du principe qu’un utilisateur qui ne souhaite pas être suivi est probablement moins enclin à convertir, et appliquer un taux de transformation réduit (par exemple, 3%). 

Cette méthode n’est pas la plus élaborée ni la plus scientifique, mais elle a le mérite d’être très abordable, et moins inexacte que la mesure des données tronquées par le RGPD et les ad-blockers. 

Les landings pages et formulaires dédiés aux campagnes, une excellente alternative

Ce système a pour objectif de répondre aux problématiques de tracking d’une manière différente. 

En utilisant une landing page spécifique (et fermée), ou un formulaire unique connecté à votre CRM, vous pouvez mesurer avec davantage de précision l’effet des investissements publicitaires. En recoupant les données de diffusion des plateformes publicitaires avec les data CRM, il devient plus facile de suivre dans le temps la performance des leads apportés par les campagnes. Et donc leur rentabilité.

Comment répondre aux problématiques de tracking d’une manière différente.

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